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بسم الله الرحمن الرحيم 
و الصلاة و السلام على أشرف المرسلين
و على اله و اصحابه أجمعين

Assise du Shaykh Educateur Sidi Mohamed Faouzi al-Karkari
–radiAllâhu ‘anhu-

La Hadra Moussawiya (quatorzième cours):
Moussa et Pharaon - partie 1



Sache que le maqâm du khilâfa par les Noms divins, ou du khilâfa Adamien, constitue le plus noble des degrés que le Vrai ait octroyé aux privilégiés d’entre les fils d’Adam (‘alayhi s-salâm). Les Prophètes (‘alayhim s-salâm) imploraient ainsi le Vrai de les gratifier d’un Khilafa manifeste (dhâhira), de même qu’il l’était dans ce qui est considéré comme occulté (bâtin), par leur degré de Sainteté (Wilâya). Ceci parce qu’ils savaient bien que les degrés de la Risâla et de la Noubouwa étaient accompagnées d’un khilafa soit apparent et manifeste, soit occulté et immanifeste.

Allâh –ta’ala- mentionne ainsi dans le Coran, par la bouche de sayidina Moussa (‘alayhi s-salâm) : «
mon Seigneur m’a donné le commandement et m’a désigné parmi Ses Messagers » [s26.v21]

La parole « m’a donné le commandement (hukm) » faisant ici référence au khilâfa, et « m’a désigné parmi Ses Messagers » en référence à sa Risâla (‘alayhi s-salâm)… Le khalîfa d’Allâh est donc le détenteur de l’épée, de la Sainteté et du Commandement, aussi bien dans ce qui est manifeste (dhâhir) que dans ce qui est occulté, dans tout ce qui concerne les différents degrés de la religion.

Quant au Messager (rassoûl), il faut savoir que tout Messager n’est pas forcément un khalîfa, puisque sa fonction consiste simplement en le fait de transmettre ce pour quoi il fut suscité : « Ceux qui communiquaient les messages d’Allah, Le craignaient et ne redoutaient nul autre qu’Allah. Et Allah suffit pour tenir le compte de tout. » [s33.v39]
Quant au détenteur de l’épée, il est un Messager Khalîfa, à l’image de sayidina Ibrahim (‘alayhi s-salâm), qui demanda ce Commandement en disant :
«
Seigneur, accorde-moi le Commandement (hukm) et fais-moi rejoindre les gens de bien » [s26.v83] 


Dans le degré de la Sainteté (Wilâya), il y eut des personnes parmi les élus qui furent dotées du khilâfa apparent sur Terre (dhâhir), tandis que d’autres furent dotées d’un khilâfa dans le domaine occulté (bâtin) uniquement…
De manière générale, lorsque les gens entendent les mots Messager ou Prophète (‘alayhimu s-salâm), ils leur prêtent l’ensemble des degrés spirituels quels qu’ils soient… alors que le seul à qui il fut donné tout cela n’est autre que la Source réunissant toute chose en son sein, à qui il fut donné le Verbe dans son entièreté (jawâmi’ al-kalim), notre Prophète Muhammad (sallAllâhu ‘alayhi wa sallam).


Et lorsque Pharaon dit : « Et qu’est-ce que le Seigneur de l’univers? » [s26.v23], il ne parlait pas en tant qu’ignorant de la réponse à sa question, bien au contraire ! Il n’ignorait pas ce qu’était la Seigneurie (Rouboubiya), et même s’il prétendait lui-même à la Divinité (Oulouhiya), il savait bien en son for intérieur qu’il n’était ni un dieu, ni un messager… et il n’est pas de preuve plus limpide à ce sujet que le récit nous apprenant que lorsque son peuple vint se plaindre à lui de la sècheresse du Nîl et qu’ils lui demandèrent de le faire couler de nouveau en abondance… il leur promit que dès le lendemain matin il sortirait voir le Nîl et qu’il le ferait couler à nouveau. Durant la nuit, il ne parvint évidemment pas à trouver le sommeil et ne cessait de se tourner et de se retourner dans son lit, ne sachant comment il pourrait résoudre ce problème.
Lorsque le jour se leva, la foule commença à se réunir afin de voir de quelle manière Pharaon allait bien pouvoir revivifier le flot du fleuve… Ils attendirent ainsi des heures durant, jusqu’à ce qu’il daigne enfin sortit de son palais, habillé de ses plus beaux vêtements et paré de ses plus beaux bijoux, accompagné par sa cour, ses serviteurs et conseillers, les porteurs du trône sur lequel il se tenait, les médecins, les poètes, les sages, les astrologues, les interprètes de rêves et autres… jusqu’à ce que le cortège atteigne les rives du Nîl. Là, Pharaon s’arrêta et se mit à réfléchir. Il repéra un endroit à couvert, au milieu de hauts roseaux, et ordonna à ses porteurs de l’y mener. Une fois là-bas, il descendit de son trône et exigea que chacun reste à sa position et ne fasse pas un pas de plus, et qu’en aucun cas on ne vienne le déranger.
Il s’introduisit alors dans la végétation jusqu’à ce qu’on le perdit de vue et là, après s’être assuré d’être bien seul, il ôta ses vêtements raffinés, ses bijoux et ses parures. Puis il enleva ses sandales, et se mit à marcher le long du Nîl, au point que ses pieds s’enfoncent dans la boue… Là, dans la terre, il se prosterna et s’écria :
« Ô Allâh, tu sais parfaitement que je sais qu’il n’y pas de dieu si ce n’est Toi… alors fais que le Nîl coule à nouveau ! » 


Et il n’y a rien d’étonnant dans le fait que Allâh –ta’ala- ait exaucé l’invocation de Pharaon,  Iblîs lui-même L’avait invoqué avant lui, et il avait été exaucé : «Il dit : "Ô mon Seigneur, donne-moi donc un délai jusqu’au jour où ils seront ressuscités ". [Allah] dit : "tu es de ceux à qui ce délai est accordé, jusqu’au jour de l’instant connu ". » [s15.v36/38] 

Pharaon a donc posé cette question à sayidina Moussa (‘alayhi s-salâm) de manière à le tester, sachant que de toute la création, Pharaon était celui qui le connaissait le mieux… Là encore, lorsqu’on évoque le récit de sayidina Moussa (‘alayhi s-salâm) et de Pharaon, on considère systématiquement qu’ils ne furent qu’ennemis l’un de l’autre… nous ne prenons en compte que la période durant laquelle Moussa (‘alayhi s-salâm) fut suscité à son peuple pour porter le Message divin, et nous oublions totalement que c’est Pharaon lui-même qui prit en charge l’éducation de Moussa (‘alayhi s-salâm) depuis son plus jeune âge.
Pharaon connaissait donc bien Moussa (‘alayhi s-salâm), et il ne lui demanda :
« Et qu’est-ce que le Seigneur de l’univers ? »
que dans le but de le tester, afin de vérifier s’il Connaissait véritablement Allâh, ou bien s’il ne faisait que prétendre appeler à Lui. Il savait pertinemment que les Messagers jouissaient d’un haut degré de Connaissance par Allâh, et il voulait donc par son interrogation tester la foi de l’ensemble des gens présents. 


« Et qu’est-ce que le Seigneur de l’univers ? », il s’agit là d’une question à laquelle il est impossible de répondre directement, car cela reviendrait à mettre en exergue l’Essence du Vrai –‘azza wa jall-, Essence que l’intellect humain créé se voit absolument incapable de saisir et de cerner. Et à cette question, sayiduna Moussa (‘alayhi s-salâm) ne répondit pas de manière directe, et il ne dit pas non plus quelque chose comme « Comment pourrais-je te répondre au sujet de Celui à qui rien ne ressemble ? »...

Pharaon savait pertinemment que sa question n’avait pas de réponse, et il savait aussi que sayiduna Moussa (‘alayhi s-salâm) n’y répondrait que par des Attributs d’Allâh –ta’ala- :
«"
Et qu’est-ce que le Seigneur de l’univers ? " dit Pharaon.
"Le Seigneur des cieux et de la terre et de ce qui existe entre eux, dit [Moussa], si vous êtes dotés d’une certitude absolue !" »
[s26.v23/24] 


Il ne répondit donc que par la Seigneurie (Rouboubiya) à laquelle s’ajoute l’univers (les cieux et la terre), introduisant dans sa réponse un indice extraordinairement subtil du Secret de l’Essence Divine… Si Pharaon et ceux qui étaient avec lui avaient médité à cela, ils y auraient trouvé la réponse à leur question !

En méditant sur la création des cieux et de la terre, le serviteur parvient à la conclusion : « Tu n’as pas créé tout cela en vain, soubhânak ! ». Il accède alors à la Connaissance de la Seigneurie (Rouboubiya) et erre dans le néant élevé (les cieux) et bas (la terre) jusqu’à atteindre la certitude : "si vous êtes dotés d’une certitude absolue !".

Le cheminant laisse ainsi aller sa vision intérieure, par la Lumière divine, dans tout ce qui a un début et une fin, de manière à goûter l’incomparabilité (tanzîh) de Celui qui n’a ni début, ni fin… Et considérant le fait qu’en mathématiques, les nombres n’ont pas de fin… que dire de Celui qui a créé les nombres !?

A chaque fois que l’être humain demande quelque chose, cette chose est belle et bien existante, et son invocation est exaucée… tout ce que l’intellect humain atteint est bel et bien existant, tous ceux à qui Allâh –ta’ala- a accordé de la Science et du bon sens savent cela. Nous sommes incapables de Lui prêter un corps, subhânahu wa ta’ala, Lui qui est absolument exempt de la corporalité, humaine ou non, et c’est la raison pour laquelle le Prophète (sallAllâhu ‘alayhi wa sallam) interdit aux croyants de méditer sur l’Essence d’Allâh –ta’ala-, mais qu’au contraire il nous a enjoint à méditer sur Ses signes.

On retrouve ainsi dans le Mu’jam de at-Tabarâniy que selon ibn ‘Omar (radiAllâhu ‘anhumâ) : « Le Messager d’Allâh (sallAllâhu ‘alayhi wa sallam) a dit : « Méditez sur les signes d’Allâh, mais ne méditez pas sur Allâh (Lui-même). » ».
Et selon une autre version : « Méditez sur la création d’Allâh, mais ne méditez pas sur Allâh (Lui-même), auquel cas vous iriez vers la perdition ».
 


La perdition est mentionnée ici car l’Essence divine mène à la dissolution, à l’extermination, à l’anéantissement, à l’annihilation, à l’état de confusion (hira) le plus total et au fana absolu… tandis que méditer sur la création d’Allâh est une méditation portant sur les Attributs divins, par le Secret de la persistance par soi-même (qayyioûmiya), après que le cheminant se soit réalisé dans la contemplation de sa propre non-existence… C’est la raison pour laquelle le Vrai nous a indiqué, dans Son Livre Majestueux, deux chemins permettant d’accéder au Secret de la Réunion et à la contemplation de la Réalité ésotérique, après avoir goûté et véritablement réalisé le fana de la création : « Nous leur montrerons Nos signes dans l’univers et en eux-mêmes, jusqu’à ce qu’il leur devienne évident que c’est cela, al-Haqq (le Vrai) » [s41.v53] 

Le chemin le plus aisé est celui qui consiste en le fait de rechercher en soi-même, car c’est le chemin qui fournit la connaissance la plus forte et la plus complète du Vrai… conformément au Hadîth qudsi : « Ma terre et Mon ciel ne sauraient me contenir, contrairement au cœur de Mon serviteur croyant qui lui le put »
Cette Connaissance est par conséquent une Connaissance fondée sur la contemplation des différents degrés du Nom Singulier ( Allâh ) ainsi que sur l’étude et la compréhension de ses talasim et de ses réalités ésotériques.

Quant au second chemin, consistant en le fait de rechercher dans l’univers les signes nous menant à la Connaissance du Vrai, il s’agit d’une Voie aux multiples sentiers, et c’est le chemin par excellence permettant l’accès à la Connaissance des sens et des réalités profondes du Nom du Nom (Ism al-Ism : al-Rahmân). Allâh –ta’ala- dit ainsi : « al-Rahmân S’est établi sur le Trône » [s20.v5] 

Chacun de ces deux chemins nécessite impérativement le suivi d’un Shaykh éducateur, doté de vision intérieure, parfaitement connaisseur des différents degrés de l’âme… parce qu’il s’agit de chemins qui se vivent et se goûtent, ne laissant aucune part à l’intellect.
Quant au fait de se baser sur la raison uniquement, cela ne te permettra jamais d’atteindre quoi que ce soit de ce que nous venons d’évoquer. Ceci parce que la grande majorité des considérations anthropomorphistes qui entrent dans les cœurs des serviteurs naissent de l’association entre la volonté et l’incapacité à comprendre certains passages Coraniques… et c’est ainsi qu’on voit tomber les gens dans l’anthropomorphisme à chaque fois qu’ils entendent, par exemple : « 
Et les Juifs disent : "La Main d’Allah est fermée !" Que leurs propres mains soient fermées, et maudits soient-ils pour l’avoir dit. Au contraire, Ses deux Mains sont largement ouvertes » [s5.v64] …etc.


Les degrés de compréhension varient d’un individu à l’autre, et c’est la raison pour laquelle on voit par exemple certaines personnes croire en l’existence des sept cieux, tandis que d’autres s’y refusent et n’acceptent que ce qu’ils voient. Dans un Hadîth il est dit que notre Seigneur (Rabb) descend jusqu’au ciel le plus bas dans le dernier tiers de la nuit. En cela se trouve une référence à la Seigneurie (Rouboubiya) dans toute Sa Grandeur, ainsi qu’à l’ouverture de la porte de laquelle jaillissent les flux de l’Esprit vers les cœurs… afin que comprenne celui ou celle qui ne peut concevoir l’existence des sept cieux.

Enfin pour ce qui est du cheminement, lorsque l’Etoile de Lumière s’ancre fermement dans ton cœur, tu sais alors que tu fais partie des gens du dernier tiers de la nuit. Ton être tout entier devient nuit, et lorsque l’Etoile du Bien-Aimé (sallAllâhu ‘alayhi wa sallam) descend ( « Par l’Etoile lorsqu’elle descend » [s53.v1] ) dans ton cœur, tu te dois de considérer qu’il s’agit là de ton dernier tiers de nuit, au cours duquel le Vrai Se manifeste à toi. Cette manifestation se fait en qualité de Widd, qui est le premier degré de l’Amour que perçoit le cœur… Sois donc certain qu’à ce moment-là, tu te trouves tout proche du Soleil de la Connaissance Suprême, et que ton jour ne tardera pas à se lever.



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  1. Salam aleykum, tout d'abord je voulais vous remercier pour cette magnifique traduction, êtes vous orientaliste?

    Ensuite, j'ai deux autres questions:

    1) "Cette manifestation se fait en qualité de Widd, qui est le premier degré de l’Amour que perçoit le cœur…" Ca veut dire quoi "Widd"?

    2)"Quant au second chemin, consistant en le fait de rechercher dans l’univers les signes nous menant à la Connaissance du Vrai, il s’agit d’une Voie aux multiples sentiers, et c’est le chemin par excellence permettant l’accès à la Connaissance des sens et des réalités profondes du Nom du Nom (Isl al-Ism : al-Rahmân). Allâh –ta’ala- dit ainsi : « al-Rahmân S’est établi sur le Trône » [s20.v5]
    Chacun de ces deux chemins nécessite impérativement le suivi d’un Shaykh éducateur, doté de vision intérieure, parfaitement connaisseur des différents degrés de l’âme…"

    Je comprends pas trop en quoi consiste ce second chemin...

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  2. wa 'alaykum salam

    pour ce qui est du mot "al-widd", en français ça ne peut être traduit que par "amour" ... de même que al-'ichq, al-hawa, al-hubb, al-'atf etc. sont des mots qui veulent dire l'amour.

    Je crois que c'est ibn Jawzi qui a écrit un livre où il recense tous les mots arabe signifiant "amour". Nous on traduit tout par amour, mais en arabe il y a bien sûr des nuances entre chaque mots. Certains sont plus forts et intenses que d'autres. Donc là en l'occurrence, al-widd désigne le premier degré de l'amour (le moins intense.. qui correspond donc à la vision de la Lumière)
    ..
    Et ibn Jawzi dit dans son livre que le plus haut degré d'amour qui soit, c'est al-'ouboudiya (la servitude)... c'est à dire le maqâm du Prophète (sallAllâhu 'alayhi wa sallam)

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  3. Pour ce qui est de votre deuxième question:

    le premier chemin c'est le chemin qui mène au Tawhid par l'Essence divine... c'est le Tawhid pur du ha, qu'on appelle Tawhid al-Jam'...
    Ou dit autrement, c'est le Tawhîd par le Nom "Allâh", qui est le Nom de l'Essence (Ism al-dhât) réunissant en lui tous les Noms.

    le deuxième chemin c'est le chemin (qu'on emprunte dans notre tariqa après avoir emprunté le premier) qui mène au Tawhid par les Noms et Attributs divins, qu'on appelle Tawhid al-Farq (Tawhid dans la différenciation)... c'est le Tawhîd dans lequel on entre juste après le ha, et duquel on ne ressort plus jamais ensuite... enfin à moins de devenir un khatm et un " 'Abdullâh" parfaitement réalisé (wa Allâhu a3lam).

    Ce deuxième chemin, c'est le chemin du Tawhîd par le Nom "al-Rahmân", qui est le Nom du Nom (Ism al-Ism ... et dans les 99 Noms c'est celui qu'on mentionne en premier, c'est pas un hasard). al-Rahmân est un Nom qui réunit en lui tous les Noms, comme le Nom "Allâh", mais la différence c'est que al-Rahmân est un Nom indicateur de l'Essence, tandis que Allâh est le Nom de l'Essence...


    Juste après votre citation de l'article, il est dit:
    "Chacun de ces deux chemins nécessite impérativement le suivi d’un Shaykh éducateur, doté de vision intérieure, parfaitement connaisseur des différents degrés de l’âme… parce qu’il s’agit de chemins qui se vivent et se goûtent, ne laissant aucune part à l’intellect."

    ..le Secret du ha peut être pris auprès d'un Shaykh qui n'est pas forcément un khatm... tandis que la suite de l'étude du Tawhid, c'est à dire l'entrée dans Tawhid al-Farq, ce n'est possible qu'auprès d'un khatm... wa Allâhu a3lam

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