بسم الله الرحمن الرحيم
و الصلاة و السلام على أشرف المرسلين
و على اله و اصحابه أجمعين
Il fut demandé au Shaykh, Mawlana Mohamed Faouzi al-Karkari (qaddas Allâhu sirrahu), comment expliquer les versets suivant:
«Ô toi, âme apaisée, retourne vers ton Seigneur, satisfaite et agréée; entre donc dans ( في ) [*] / parmi Mes serviteurs, et entre dans Mon Paradis». [sourate al-Fajr]
[*] En lisant cet article, vous comprendrez le choix de cette traduction
Voici un bref aperçu de ce que l'esprit limité d'un mourid aura pu retenir de l'explication donnée:
Tout d'abord il faut savoir que ce verset peut être expliqué selon énormément de points de vue différents... L'explication apparente et claire pour tout le monde étant la suivante:
Lorsque le musulman pieux meurt, son âme délaisse le corps et retourne à son Seigneur, satisfaite et agréée... Puis au Jour du Jugement, le corps est ressuscité et la personne se retrouve de nouveau au milieu des serviteurs d'Allâh, puis entre dans Son Paradis.
Considérant ces versets avec une compréhension un peu plus approfondie, on peut en tirer d'autres enseignements:
Tout en s'efforçant, par le dhikr, de s'éteindre à lui-même, le mourid se doit d'apprendre à ne plus douter un seul instant du fait que son Shaykh est spirituellement totalement accompli, qu'il est sur la trace des Prophètes ('alayhim as-salâm), et qu'il est l'héritier spirituel du Messager d'Allâh (sallAllâhu 'alayhi wa sallam)... [1] et ce jusqu'à ce que le mourid réalise le fana dans son Shaykh, c'est à dire l'extinction de son être dans celui de son Shaykh.
Alors, le Shaykh devient son ouïe avec laquelle il entend, sa vue avec laquelle il voit, sa main avec laquelle il châtie et son pied avec lequel il marche. C'est là le sens du verset "entre dans Mes serviteurs". Ici le mot serviteur (3abd) est employé au pluriel... Cependant dans la Haqîqa, le mot serviteur ou esclave (3abd) désigne un degré spirituel extrêmement élevé: le maqâm al-3ouboudiya, qui est le degré de la servitude par al-Yaqîn (la certitude) complet et absolu. Ceci est compris d'ailleurs dans le sens des lettres composant le mot "Shaykh - شيخ ":
chîn ( ش ) pour "chârib - شارب", c'est à dire celui qui a bu la coupe toute entière.
yâ' ( ي ) pour "yaqîn - يقين", le Shaykh étant la personne ayant la certitude totale et absolue.
khâ' ( خ ) pour "khamr - خمر", qui est le vin prééternel, l'Eau de Vie incréée.
Ce maqâm de la servitude (3ouboudiya) est mentionné à plusieurs reprises dans le Coran, le serviteur (3abd) par Excellence étant bien évidemment le Messager d'Allâh (sallAllâhu 'alayhi wa sallam).
Le verset "entre dans Mes serviteurs (3ibâdi)" désigne donc les dépositaires de l'héritage prophétique: les khoutoûm (pluriel de khatm)... c'est à dire les Saints de l'Arbre béni, Arbre dont il est question notamment dans les versets suivants:
«Allah a très certainement agréé les croyants quand ils t’ont prêté le serment d’allégeance sous l’Arbre. Il a su ce qu’il y avait dans leurs cœurs, et a fait descendre sur eux la quiétude, et Il les a récompensés par une victoire proche.» [sourate al-Fath, verset 18]
«... un bel Arbre dont la racine est ferme et la ramure s’élance dans le ciel. Il donne à tout instant ses fruits, par la grâce de son Seigneur. Allah propose des paraboles à l’intention des gens afin qu’ils s’exhortent.» [sourate Ibrâhîm, versets 24 et 25]
«... un Arbre béni: un olivier ni oriental ni occidental dont l’huile semble éclairer sans même que le feu la touche. Lumière sur lumière. Allah guide vers Sa lumière qui Il veut. Allah propose aux hommes des paraboles et Allah est Omniscient.» [sourate al-Noûr, verset 35]
Lorsqu'on prend la bay'a auprès de ces Saints, c'est auprès du Prophète (sallAllâhu 'alayhi wa sallam) que l'on prend bay'a... et ceux qui prennent bay'a auprès du Messager d'Allâh (sallAllâhu 'alayhi wa sallam) ne font que la prêter à Allâh Lui-même:
«Ceux qui te prêtent serment d’allégeance ne font que prêter serment à Allah: la main d’Allah est au-dessus de leurs mains. Quiconque viole le serment ne le viole qu’à son propre détriment; et quiconque remplit son engagement envers Allah, Il lui apportera bientôt une énorme récompense.» [sourate al-Fath, verset 10].
Confirmant ces propos, l'Imâm al-Quchayriy (qaddas Allâhu sirrahu) dit dans son tafsîr du Coran:
« Ce verset indique la réalisation parfaite du fana (extinction) complet de son être (sallAllâhu alayhi wa sallam) en Allâh, et de sa persistance par Allâh. Et cette ayah fait bien référence au maqâm de l'union que l'on retrouve également dans le hadîth : «et si Je l’aime Je deviens son ouïe, sa vue et sa main…» ainsi que l'ensemble de ses forces. Ceci n'est autre que le Secret du khilafa (vicaire) et du baqa (persistance) par Allâh, et c'est là ce à quoi accèdent ses successeurs (sallAllâhu 'alayhi wa sallam) d'entre les Connaissant par Allâh, les gens du fana et du baqa: ils sont les gens de l'éducation Prophétique, de tous temps, de telle sorte que ceux qui prendront avec eux la bay’a l'auront certes pris avec Allâh, et ceux qui regarderont dans leur direction regarderont certes dans celle d’Allâh.
Quant à celui qui violera le serment contracté avec eux, il ne le violera qu’à son propre détriment. L'arbre de son aspiration spirituelle se dessèchera, la Lumière de sa vision intérieure (basîra) disparaîtra, et il redescendra au maqâm du commun des gens de la droite.
Ceux qui par contre s'acquitteront de l'engagement pris avec Allâh, il leur sera donné une récompense énorme: la contemplation perpétuelle de Son Essence Sanctifiée, ainsi que la gloire du maqâm des serviteurs rapprochés. Qu'Allâh nous affermisse dans leur Voie établie, sans déviation ni retour en arrière, Amîn. »
Quant à celui qui violera le serment contracté avec eux, il ne le violera qu’à son propre détriment. L'arbre de son aspiration spirituelle se dessèchera, la Lumière de sa vision intérieure (basîra) disparaîtra, et il redescendra au maqâm du commun des gens de la droite.
Ceux qui par contre s'acquitteront de l'engagement pris avec Allâh, il leur sera donné une récompense énorme: la contemplation perpétuelle de Son Essence Sanctifiée, ainsi que la gloire du maqâm des serviteurs rapprochés. Qu'Allâh nous affermisse dans leur Voie établie, sans déviation ni retour en arrière, Amîn. »
[tafsîr al-bahr al-madîd fi tafsîr al-Qor'ân al-Majîd - ibn 'Ajîba]
Par conséquent, le fana, l'anéantissement de son être dans celui de son Shaykh, mène au fana en le Messager d'Allâh (sallAllâhu 'alayhi wa sallam), qui mène au fana total et absolu en Allâh -'azza wa jall. C'est là l'un des sens profonds de "entre dans Mes serviteurs".
Puis Allâh -ta'ala- dit: "et entre dans Mon Paradis".
Dans un Hadîth, le Prophète (sallAllâhu 'alayhi wa sallam) nous dit: "Si vous demandez à Allâh, demandez le Firdaws car il est à la fois le centre et le degré le plus élevé du Paradis. Juste au dessus de lui se trouve le Trône du Miséricordieux, et de lui coulent les fleuves du Paradis." [Sahîh al-Boukhâriy, Hadîth n°2790]
... "Si vous demandez à Allâh, demandez le Firdaws"... c'est bien le conditionnel qui est employé ici, et ça a toute son importance...
Le Paradis, comme nous le savons, est composé de sept degrés, de même que l'Enfer...
Par ailleurs, la Science du soufisme, qui est une Science émanant de l'extinction progressive du cheminant en Allâh -subhanahu wa ta'ala-, se trouve entièrement réunie dans les lectures du Nom Singulier "Allâh"... et il se trouve que le Nom Allâh comporte sept lectures, la première d'entre elles étant celle qui se réalise au travers de la Lettre hâ', qui est à la fois la source et la porte d'entrée obligatoire dans le Nom divin. (voir à ce sujet: ha' al-hawiya)
Par conséquent, lorsque le cheminant pénètre dans la Réalité du Nom "Allâh" en passant par la porte qu'on ne traverse qu'une seule et unique fois, sans retour possible... la porte qui efface des cœurs l'illusion de la création toute entière et fait entrer en Présence divine... la porte qui fait sortir le cheminant de son état de mort par l'insouciance, et le ramène à la Vie par l'adoration réelle de son Créateur... lorsque donc le cheminant passe cette porte et goûte à la réalité du fana', il ne voit plus d'Existence si ce n'est par Huwa / Lui : "Où que vous vous tourniez, la Face d’Allah est donc là" [s2.v115] .
Il n'y a donc plus, dans la Haqîqa, ni Enfer, ni Paradis, ni dounia, ni akhira... Allâh -ta'ala- dit: "Tout est anéanti, sauf Sa Face" [s28.v88]
C'est donc après cette mise à mort volontaire (mawt ikhtiyariy) consistant en l'extinction totale du cheminant en Allâh, que l' âme retourne à son Seigneur, satisfaite et agréée, et qu'il lui est dit: "et entre dans Mon Paradis", au degré correspondant à celui de la Lecture réalisée du Nom Singulier "Allâh"... une Lecture qui avait été prédestinée à ce cheminant, avant même que la création ne fut créée. [2]
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Notes:
[1] A ce sujet, le Shaykh Mawlay al-'Arbiy ad-Darqâwiy (qaddas Allâhu sirrahu) dit dans ses épitres:
« Si vous renoncez à dounia dans sa totalité, coupant définitivement tout chemin qui permettrait un retour à elle, puis que vous croyez et ne doutez pas du fait que vos Shouyoûkh sont spirituellement totalement accomplis, qu'ils sont sur la trace des Prophètes (alayhim us-salâm) et qu'ils sont les héritiers du Messager d’Allâh (sallAllâhu alayhi wa sallam)... A ce moment là, par Allâh, vous recevrez le madad à chaque moment du jour et de la nuit, du mois et de l'année, à chaque heure, chaque minute et chaque seconde... jusqu’à ce que vos cœurs se remplissent de la Connaissance d’Allâh, se tranquillisent par Son évocation, et que vous soyez alors « comme les montagnes que tu crois figées alors qu’elles passent comme des nuages.» [sourate an-Naml, ayat 88] »
[‘îqâdh ul-himam fi sharhi l-hikam, ibn ‘Ajîba, page 222]
« Si vous renoncez à dounia dans sa totalité, coupant définitivement tout chemin qui permettrait un retour à elle, puis que vous croyez et ne doutez pas du fait que vos Shouyoûkh sont spirituellement totalement accomplis, qu'ils sont sur la trace des Prophètes (alayhim us-salâm) et qu'ils sont les héritiers du Messager d’Allâh (sallAllâhu alayhi wa sallam)... A ce moment là, par Allâh, vous recevrez le madad à chaque moment du jour et de la nuit, du mois et de l'année, à chaque heure, chaque minute et chaque seconde... jusqu’à ce que vos cœurs se remplissent de la Connaissance d’Allâh, se tranquillisent par Son évocation, et que vous soyez alors « comme les montagnes que tu crois figées alors qu’elles passent comme des nuages.» [sourate an-Naml, ayat 88] »
[‘îqâdh ul-himam fi sharhi l-hikam, ibn ‘Ajîba, page 222]
[2] L'Imâm Al-Baqaliy (qaddasAllâhu sirrahu) dit dans son tafsîr du verset de la bay’a («Ceux qui te prêtent serment d’allégeance ne font que prêter serment à Allah...» [s48, v10] ) :
«Allâh les a agréé avant même qu’ils ne soient créés, et Son agrément reste inchangé et inchangeable pour l’éternité, car il s’agit d’un de Ses Attributs prééternel, immuable et impérissable, qui n'est pas sujet au changement en fonction des créatures, ni du temps qui passe, ni en fonction de l’obéissance ou de la transgression. Ils jouissent donc du fait d'avoir été choisis et demeurent dans cet état éternelement, sans chuter de leur degré par des fautes, des caractères humains, ni même par les passions, parce que les gens de l'Agrément sont protégés et les règles s'appliquant aux gens de l'éloignement ne s'appliquent pas sur eux. Ils furent dotés de Son agrément et L’ont agréé de même qu’Il les a agréé. Allâh -ta’âla- dit: «Allah les agrée et ils L’agréent.» et ceci après qu’Il ait progeté des Lumières sublimes dans leurs coeurs, comme le confirme le verset: «Il a fait descendre sur eux la quiétude» »
[tafsîr 'ara'is al-bayân fi haqâ'iq al-Qor'ân - al-Baqaliy]
«Allâh les a agréé avant même qu’ils ne soient créés, et Son agrément reste inchangé et inchangeable pour l’éternité, car il s’agit d’un de Ses Attributs prééternel, immuable et impérissable, qui n'est pas sujet au changement en fonction des créatures, ni du temps qui passe, ni en fonction de l’obéissance ou de la transgression. Ils jouissent donc du fait d'avoir été choisis et demeurent dans cet état éternelement, sans chuter de leur degré par des fautes, des caractères humains, ni même par les passions, parce que les gens de l'Agrément sont protégés et les règles s'appliquant aux gens de l'éloignement ne s'appliquent pas sur eux. Ils furent dotés de Son agrément et L’ont agréé de même qu’Il les a agréé. Allâh -ta’âla- dit: «Allah les agrée et ils L’agréent.» et ceci après qu’Il ait progeté des Lumières sublimes dans leurs coeurs, comme le confirme le verset: «Il a fait descendre sur eux la quiétude» »
[tafsîr 'ara'is al-bayân fi haqâ'iq al-Qor'ân - al-Baqaliy]
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