De ce fait,
l'Homme est la graine originelle, tandis que l'univers et tout ce qu'il
contient est l'Arbre émergent de cette dernière. Le monde est
l'image ou la forme, et l'Homme en constitue l'Esprit.
Il fut dit en ce
sens :
Ô précurseur dans la procession de l'instauration ///
et suiveur dans la troupe de l'intronisation
Réfléchis, tu es une copie de l'existence
/// devant Allâh, il n'est pas
d'existence plus noble que la tienne
Le Trône et le Piédestal ne se trouvent pas en toi ? ///
Le monde noble ainsi que le monde vil ?
L'univers n'est qu'un Grand Homme
/// et toi, tu es un petit
univers semblable au sien
En faisant un parallèle avec la grammaire arabe (al-i'râb), on pourrait dire
que le statut originel de l'Homme dans la phrase de l'existence est d'être
celui qui subit l'action (maf'oûl bih), sa capacité d'agir est nulle et sur lui
s'applique la loi du verbe (fi'l) par la volonté du sujet (fâ'il)...
Cependant, la loi de dissimulation voulut que la phrase de l'existence soit
construite de telle sorte qu'on n'en connaisse pas le sujet (mabniya
lilmajhoûl) : c'est ainsi que l'Homme devint le remplaçant du sujet (naib
al-fâ'il), après avoir été celui qui subissait l'action (maf'oûl bih). Son
statut fut élevé (rufi’a : en grammaire arabe, cela désigne aussi l'accord
du sujet) après avoir été celui de l'accablement (nasb : en grammaire arabe,
cela désigne aussi l'accord de ce qui subit l'action) et de la fatigue
continuelle. Pour cela, sa condition de vicaire (khalîfa) lui octroya le mérite
qu'on se prosterna en sa présence, en sa qualité de remplaçant de la Présence
Véritable et Dissimulée en lui.
Son intellect
était la manifestation de la Science, sa forme celle de la Volonté, son
aspiration celle de la Capacité d'agir, son imagination celle de l'Entité. Ce
royaume humain est ainsi donc la réunion des Réalités Seigneuriales ainsi que
de leur formes, c'est pour cela que je te dis : "Ne sors pas de ta propre tombe !".
On trouve dans le Hadîth du Waliy une indication extrêmement importante,
pour celui à qui Allâh aura accordé une largesse d'esprit suffisante. Le
Bien-Aimé, (sallAllâhu 'alayhi wa sallam) y dit à propos de son Seigneur ('azza
wa jall) :
«Celui qui montre de l’hostilité, quand
bien même ce serait pour Moi, à l’un de Mes bien-aimés, Je lui déclarerai la
guerre. Mon serviteur ne se rapproche pas de Moi par une chose que J’aime,
comme il le fait avec ce que Je lui ai prescrit. Et Mon serviteur ne cessera de
se rapprocher de Moi par les actes surérogatoires jusqu’à ce que Je
l’aime ; et, lorsque Je l’aime, Je serais son ouïe avec laquelle il
entend, sa vue avec laquelle il voit, sa main avec laquelle il saisit et son
pied avec lequel il marche. S’il Me demande, je lui donnerai ce qu’il veut et
s’il sollicite Mon secours, Je le lui accorderai. Et il n’y a pas de chose que
J’hésite à faire, et que Je dois, cependant, faire, que de ravir l’âme de Mon
serviteur croyant ; il déteste la mort, et Moi Je déteste lui faire du
tort.»
[Sahîh al-Bukhâriy, Hadîth n°6050]
Regarde donc par l'œil de ton cœur cette douce indication, qui aura bouleversé
les esprits de ceux qui exemptent le Vrai de toute ressemblance à quoi que ce
soit (al-mounazzahîn), de cette exemption froide que n'ordonna ni Allâh, ni Son
Messager (sallAllâhu 'alayhi wa sallam).
Paradoxalement, le Secret de toute chose se trouve dans son opposé, et on ne
Connut le Vrai que par la réunion de tous les opposés, car les manquements du
degré de servitude ('ouboûdiya) ne constituent dans la Réalité rien d'autre que
le Secret de la manifestation des Perfections Seigneuriales.
Et dans les
Hikam :
« Tu es compris dans l'univers de par la
considération de ton enveloppe corporelle, mais il ne saurait contenir ta
dimension spirituelle. »
Et sayidi Ahmad ibn 'Ajîba (radiAllâhu 'anhu) explique ceci en ces
termes :
« Lorsque l'esprit est débarrassé de toutes les impuretés du monde physique, il
s'élève vers le monde du Jabaroûte et alors ne le voilent d'Allâh ni terre, ni
ciel, ni cosmos, ni Trône, ni Piédestal. Au contraire, tout ceci devient pour
lui futile, et c'est bien là ce à quoi goûtent les Connaissant ('ârifoûn) qui,
lorsqu'ils regardent l'univers tout entier, le voient fondre et retourner à
l'état d'eau. Une eau qui, s’ils la boivent, devient dans leur cœur tel un
point. Cependant, la capacité à embrasser l'univers des uns diffère de celle
des autres : ainsi, pour certains ce point a la taille d'un œuf, tandis
que pour d'autres il est de l'équivalent d'un grain de moutarde, et ceci est dû
à l'ouverture de leur vision. A chaque fois que l'esprit se retrouve seul dans
l'océan du Jabaroûte, l'univers rétrécit pour lui au point qu'il ne le sente
plus et en perde toute notion, c'est pour cela que certains ont dit que si le
Trône se trouvait dans un des coins du cœur du Connaissant, il n'en sentirait
même pas la présence. Un autre Connaissant dit que si le Trône et le Piédestal
se trouvaient pliés dans son bouclier.
Le Shaykh de nos Shouyoûkh, Mawlay 'Abdelqader al-Jilâniy (radiAllâhu
'anhu) dit ainsi: "le Trône et le Piédestal se trouvent pliés dans ma poignée
(qabda)"
Ensuite, l'univers se dissipe et s'anéantit, le monde du Malakoûte est mis
en relation avec le monde du Jabaroûte, et ne demeure que le Vivant qui ne
meurt jamais... mais ceci, ne le comprennent que les Connaissant dont l'âme a
totalement pris le dessus sur leur caractère humain, au point qu'ils devinrent
des esprits, habitants du Malakoûte: leurs corps sont au milieu de la création,
tandis que leurs âmes sont avec le Vrai. Ceci, ô homme, parce que si l'univers
fut en mesure de te contenir et de te cerner dans ta dimension corporelle
humaine, il ne put en revanche contenir ton esprit, étant donné que ce dernier
est en lien avec le monde du Jabaroûte, qui englobe toute chose. Se voyant donc
contraint de demeurer condensé et limité à cette apparence visible, l'esprit
fut dissimulé par la Sagesse et restreint par la Capacité, et tant que
l'humanité sera touchée par l'amour des passions futiles, elle demeurera
voilée. Si en revanche elle tend vers la douceur de l'évocation d'Allâh et
transperce le voile du monde physique, elle retournera à son origine et
établira un lien avec l'océan de cette même origine. Alors, le monde du
Malakoûte et du Moulk seront tous deux pliés dans sa poignée, et ne pourront
plus te contenir à ce moment-là ni terre, ni ciel... pas plus que ne pourra te
cerner ni le monde ésotérique, ni le monde exotérique. C'est en ce sens que
l'on dit concernant le soufi que la terre ne le diminue pas, et que le ciel ne
lui permet pas non plus de demeurer plus longtemps. »
[Iqâdh al-himam
fi charh al-hikam - ibn 'Ajîba]
Et en ce sens,
sayiduna ibn 'Arabiy (radiAllâhu 'anhu) écrivit ces vers:
Tu reviens à la vie lorsque d'un regard tu tues sa logique ///
de la même manière que Jésus faisait revenir à la vie
Sa Torah est une tablette dont la source est l'émetteur d'une vive Lumière et
moi /// je la récite et l'étudie comme si j'étais Moussa
Une bonne-sœur d'entre les filles des romains dont la fonction est
perturbée; /// par les Lumières, tu vois sur elle une
charte
cruelle et inhumaine: elle s'est ainsi restreinte ///
dans la chambre où elle se retire pour prier, à un sarcophage
Tous les érudits
se sont vus impotents et dépassés par notre religion ///
eussent-ils été des suiveurs de David, des rabbins ou des évêques