Pourquoi la Mouraqqa'a?
Il s’agit de la sunna
des vertueux, de la passion des pieux, du vêtement des Connaissant… c’est le
signe du mourid sincère dans sa quête du divin, éteint dans l’Amour de son
Sheykh et en qui il ne subsiste plus aucune volonté.
Ce vêtement est le symbole de la renonciation et de la remise de tout son être
entre les mains du Sheykh ‘ârif bi-Llâh accompli (kâmil) dans tout ce qui
concerne le mourid, et ce afin qu’il lui fasse voir et découvrir les défauts de sa nafs ainsi que ses
différents degrés, en recherchant la purification et l’élévation de la nafs
ammâra (qui enjoint au péché) vers la nafs lawwâma (qui regrette profondément),
puis vers la nafs mutma’inna (appaisée), puis vers la nafs râdiya (satisfaite),
puis vers la nafs mardiya (objet de la satisfaction), puis vers la nafs râji’at
ilâ rabbihâ (retournant vers son Seigneur).
Et il fut dit également que celui qui n’aura pas vu de muflih (grand gagnant)
ne saurait accéder à son tour à la grande réussite… et que celui qui n’a pas de
Sheykh, en réalité Iblîs est son sheykh.
Quel serait donc l’état de celui qui aurait appris un métier manuel sans
maître ? En général l’arbre qui pousse de lui-même ne donne pas de fruits
consommables, et même s’il en donnait, ces fruits n’atteindraient en aucun cas
la qualité de ceux cueillis dans un jardin dont on prend soin.
Selon Abi Houreyra (radiAllâhu ‘anhu), le Messager d’Allâh
(sallAllâhu ‘alayhi wa sallam) a dit : « La foi est de
soixante-dix et quelques, ou bien soixante et quelques parties, la meilleure
d’entre elles est la parole "lâ ilâha illa Allâh", la moins élevée
consiste en le fait d’éloigner ce qui se trouverait de gênant en travers du
chemin, et la pudeur est une partie de la foi. » [Sahîh Muslim, 54]
La partie la moins élevée d’entre les parties de la foi consiste donc en le
fait de retirer ce qui gêne en travers du chemin vers le divin, et il n’est pas
de plus grand nuisible que la nafs qui se trouve en toi : elle est même
l’ennemi d’entre les ennemis. Tiens en toi donc au fait d’éloigner son mal, et
sache qu’il n’est pas de chose plus pénible à la nafs que de se voir chuter
dans l’estime que les gens ont d’elle… C’est la raison pour laquelle, dans
notre Tariqa, la mouraqqa’a fait partie des fondements de l’éducation
spirituelle (tarbiya) de l’aspirant.
Allâh (ta’âlâ) a dit : «Ô toi, le revêtu d’un manteau ! Lève-toi
et avertis. Et de ton Seigneur, célèbre la grandeur. Et tes vêtements, purifie-les. »
[s 74, v 1 à 4]
Allâh a donc un vêtement
duquel il vêtit Son serviteur lorsque se manifeste en lui l’Amour divin. Ce
vêtement pousse le serviteur à délaisser les accoutrements de dounia et à se
suffire d’une mouraqqa’a avec laquelle il se déplace où bon lui semble sans se
soucier des autres. Il ne voit plus que son Seigneur et a préféré ce qui
demeure éternellement à ce qui est éphémère.
Selon Abi Houreyra (radiAllâhu ‘anhu) : Le Messager d’Allâh (sallAllâhu
‘alayhi wa sallam) a dit : « Ô gens ! Allâh est Bon et il
n’accepte que ce qui est bon, et Il a prescrit aux croyants ce qu’Il a prescrit
aux musulmans. » Il récita ensuite : « Ô vous qui avez cru,
mangez de ce qui est bon parmi ce que nous vous avons accordé comme subsistance ».
Puis il rappela le cas d’un homme dans un long voyage, ébouriffé et couvert de
poussière, levant ses mains vers le ciel en disant : "Ô
Seigneur ! Ô Seigneur !... ", et sa nourriture est Harâm, sa
boisson est Harâm, ses habits sont Harâm, et son voyage est Harâm… comment
serait-il exaucé ? » [Sahîh Muslim, Kitâb az-Zakât, 1692]
Comment donc tes invocations seraient-elles exaucées alors que tes habits ne
sont que Harâm ? La véritable parure de tes actions se manifeste ainsi sur
toi. Les anges ne rentrent pas dans une maison où se trouve un chien, comment
donc pourraient se trouver en toi les Lumières divines alors même que ton corps
est couvert de Harâm ? Retire donc tout habit et revêt le vêtement de la
piété.
Allâh (ta’âlâ) dit : «Et c’est Lui qui vous fit de la nuit un vêtement,
du sommeil un repos et qui fit du jour un retour à la vie active »
[s25.v47]
La nuit des ténèbres de la nafs est l’habit basique de chacun, c’est ainsi
qu’Allâh a voulu voiler la création des secrets de la prééternité. Celui donc
qui aura été prédestiné à l’Amour divin, avant que la création ne soit créée,
sera ainsi donc guidé vers un Sheykh Rabbâniy et Connaissant de la divinité qui
fera naître en nuit le jour spirituel et en recouvrira sa nuit. Or nous savons
que le signe de ce jour spirituel est la vision par l’œil du cœur. Le disciple
verra ainsi donc les trésors que Allâh a plié et réuni en lui, et s’il se
renforce dans la Voie, alors son bâtin (ce qui est caché) prendra le dessus sur
son dhâhir (ce qui est apparent)… Et l’être humain s’habille toujours en
fonction de ce qu’il y a dans son for intérieur.
En ce sens, le Messager d’Allâh (sallAllâhu ‘alayhi wa sallam) a dit ce qui signifie :
« Tenez en votre for intérieur ce que vous voulez, car par Allâh ni un
serviteur ni une communauté de gens ne gardent une chose en leur for intérieur
sans vêtir celles-ci d’un habit en conséquence. Si c’est du bien, ce sera du
bien, et si c’est du mal ce sera du mal. Ainsi, même si l’un d’entre vous
accomplissait une bonne œuvre de derrière soixante-dix voiles, Allâh la ferait
apparaître de façon à ce qu’elle soit évoquée en bien parmi les gens. Et si
l’un d’entre vous cachait en son for intérieur un mal de derrière soixante-dix
voiles, Allâh le ferait apparaître de façon à ce qu’il soit évoqué en mal parmi
les gens. »
[Huliyat ul-Awliya de Abiy Na’îm, 6355]