La Vision de la Lumière
selon l'Imâm Aboû Hamîd Muhammad ibn Muhammad al-Ghazâliy (qaddas Allâhu sirrahu)
« Sache
que le cœur a deux portes d'accès aux sciences : l'une pour les rêves et
les songes et l'autre pour le monde de l'éveil qui est la porte donnant sur
l'extérieur. S'il s'endort, la porte des sens se referme et on ouvre pour lui
la porte de l'intérieur. On lui dévoile alors les mystères du monde
supra-sensible et de la Table Gardée et il devient rempli de clarté et de
lumière [.....]
Mais ne crois
pas que cette énergie spirituelle se déploie seulement à cause du sommeil et de
la mort, car elle se déploie aussi dans l'éveil pour celui qui se voue
sincèrement à la lutte et aux exercices spirituels et se libère du joug du
désir, de la colère, des mauvais caractères et des basses œuvres. En effet
lorsqu'il s'assoit dans un endroit isolé, se détache des sens, ouvre l’œil et
l'ouïe de l'intérieur, met le cœur dans la disposition favorable face au monde
suprasensible et répète constamment avec son cœur en excluant sa langue :
« Allah, Allah, Allah ! »jusqu'à ce qu'il n'aie plus aucune
nouvelle de lui même et du monde qui l'entoure et qu'il ne voie plus rien
d'autre que Dieu -exalté soit Il- , cette énergie spirituelle se déploie et il
voit dans l'éveil ce qu'il voit dans le sommeil. Les esprits des Anges et des
Prophètes apparaissent alors pour lui, ainsi que les images agréables, belles
et majestueuses ; le royaume des cieux et de la terre se dévoile pour lui
et il voit ce qu'on ne peut expliquer et décrire comme l'a dit le Prophète (sallAllâhu 'alayhi wa sallam) : « La terre a été
contractée pour moi et j'ai vu ses Orients et Ses Occidents » De même Allâh (ta'âlâ) a dit : « Ainsi avons nous montré à Abraham le
royaume des cieux et de la terre » (Coran, 6/75) .
Ceci parce que les
sciences des Prophètes ('alayhim s-salâm) venaient toutes de cette voie et non
de la voie des sens comme Allâh (ta'âlâ) l'a dit : « Invoque le
Nom de ton Seigneur ; consacre-toi totalement à Lui » (Coran,
73/8) ;
Cela veut dire ceci : se couper de toute chose, purifier le
cœur de toute chose et implorer totalement Allâh (ta'âlâ). Et c'est la
voie des soufis à notre époque. Quant à la voie de l'enseignement, c'est celle
que suivent les savants. Et ce degré élevé est un abrégé de la voie de la
prophétie. Il en va de même de la science des saints parce qu'elle arrive dans
les cœurs sans méditation en provenance de la Présence divine, comme Allâh (ta'âlâ) l'a dit : « A qui Nous avions accordé une
miséricorde venue de Nous et à qui Nous avions conféré une science émanant de
Nous » (Coran,18/65). Ce mode d'acquisition ne se conçoit et ne se
comprend que par l'expérience et s'il ne s'acquiert pas par le goût, on ne
l'acquiert pas par l'instruction et l'enseignement. Il faut donc y croire pour
ne pas être privé du rayonnement de son bonheur.
Cela relève de
la merveille du cœur et celui qui n'a pas vu ne croit pas, comme Allâh (ta'âlâ) l'a dit : « Ils ont traités de mensonge ce qu'ils ne
comprennent pas et ce dont l'explication ne leur est pas parvenue »
(Coran, 10/39). Il a dit aussi : « Mais n'étant pas dirigés par ce
Livre, ils diront : C'est une vieille imposture » (Coran, 46/11). »
[Source : La Paix du Coeur]
« Sache que le
bonheur de toute chose, son plaisir et son repos sont selon sa nature et la
nature de toute chose est ce pour quoi elle a été créée. Ainsi, le plaisir de
l'oeil est dans les belles images ; le plaisir de l'oreille c'est dans les
belles voix et ainsi de suite pour l'ensemble des organes. Et le plaisir du
cœur est lié spécifiquement à la Connaissance de Allâh (subhânahu wa ta'âlâ) parce
qu'il est créé pour elle. Et ce que le fils d'Adam n'a pas connu, il s'en
réjouit en le connaissant, comme le jeu des échecs : le fait de le
connaître le réjouit et si on le lui interdit il ne le délaisse pas pour autant
et ne peut pas avoir la patience de s'en priver. Il en va de même de la Connaissance de Allâh (subhânahu wa ta'âlâ) qui le réjouit et il ne peut pas se
priver de la contemplation [….] Tous les
plaisirs des désirs du bas-monde se rapportent à l'âme, laquelle cesse avec la mort,
tandis que le plaisir de la connaissance de la Seigneurie se rapporte au cœur
et ne cesse pas avec la mort. Au contraire son plaisir devient plus intense et
sa luminosité plus grande parce qu'il est sorti des ténèbres vers la clarté. »
[Source : La Paix du Coeur]
« Tu
as donc compris, après tout ceci, qu'il y a deux sortes d'yeux : un oeil
externe et un oeil interne. L'oeil externe appartient au monde sensible et
visible, l'oeil interne appartient à un autre monde, qui est celui du Royaume
céleste (Malakût). A chaque oeil correspondent respectivement un soleil et une
lumière par lesquels sa vision s'accomplit. Il y a un soleil extérieur et un
soleil intérieur. Le soleil extérieur appartient au monde visible et c'est le
soleil sensible ; le soleil intérieur appartient au monde du Royaume céleste,
il s'identifie au Coran et aux autres Livres divins révélés. »
« Celles qui arrivent dans le sommeil représenteraient
un quarante-sixième des particularités prophétiques ; les visions en état de
veille seraient dans une proportion plus forte, un tiers, à mon avis. Les
privilèges prophétiques, qui ont été portés à notre connaissance, se ramènent
en effet à trois catégories, et les visions en état de veille constituent l'une
d'elles. »
« Les grands spirituels, qui ont des visions
intérieures (baçâ'ir), ont la claire conscience de l'existence de cette
hiérarchie pour les lumières du Royaume céleste, l'être désigné sous le nom de
« rapproché» (muqarrab) étant celui qui se trouve le plus près de la
Lumière suprême, sache-le ! »
« Après cela, sache que de même que toute chose se
manifeste à la vue grâce à la lumière extérieure, de même toute chose se
manifeste à la vision intérieure grâce à Dieu! Il est en effet avec toute
chose, Il n'en est pas séparé, puis Il fait apparaître toute chose, comme la
lumière accompagnant chaque chose, qui apparaît grâce à elle. Mais il subsiste
ici une différence : on conçoit que la lumière extérieure puisse disparaître au
coucher du soleil et devenir invisible, permettant à l'ombre de se manifester.
Tandis qu'on ne saurait concevoir la disparition de la Lumière divine par quoi
toute chose apparaît; bien plus, tout changement en Elle est impossible, et
Elle reste à jamais avec les choses. Ainsi se trouve coupée la voie de la
déduction par la distinction. En effet, si l'on imaginait la disparition de la
Lumière divine, les cieux et la terre s'écrouleraient, et la distinction perçue
alors entraînerait nécessairement la connaissance de ce qui faisait apparaître
les choses. »
« Le monde visible est donc le point d'appui pour
s'élever au monde du Royaume céleste, et le « parcours de la Voie Droite » consiste en cette ascension, que l'on peut
également exprimer par les mots « Religion » (d'in) et « les étapes de
la Bonne Voie » (hudâ). S'il n'y avait pas de correspondance et de
liaison entre les deux, la montée de l'un à l'autre serait inconcevable. La
Miséricorde divine a fait qu'il y ait une relation d'homologie entre le monde
visible et celui du Royaume céleste. »
[Source : Le Tabernacle des Lumières]